C’est un incontournable de Nouvelle-Zélande. Référence cinématographique pour certains, défi pour d’autres, ou tout simplement endroit magnifique pour le reste : le Tongario Alpine Crossing collectionne les symboles qui attirent chaque année plus de 100 000 visiteurs.
Considéré comme une des meilleures randonnées au monde, c’est une formidable aventure d’une journée qui nous emmène découvrir des paysages volcaniques et des lacs aux couleurs émeraude.
Si la randonnée du Tongariro Alpine Crossing est accessible au plus grand nombre, elle nécessite quand même un minimum de condition physique et de préparation. On est amené à marcher sur 20 kilomètres (19,4km plus exactement) via un parcours parfois sinueux qui culmine jusqu’à 1886 mètres. Avoir à manger, de l’eau, et de bonnes chaussures, est donc un minimum.
En route vers le Tongariro Alpine Crossing
En cette matinée printanière de début novembre, les prévisions annoncent un temps mitigé. Des nuages sont prévus, avec quelques éclaircies. C’est toujours mieux que de la neige, qui rendrait la randonnée plus difficile, et il y a toujours l’espoir de voir du ciel bleu.
De toutes façons, la météo dans le Tongariro est toujours imprévisible, donc on peut s’attendre à du bon comme du moins bon.
Le Tongariro Alpine Crossing n’est pas une randonnée en boucle : on part d’un point A (parking Mangatepopo) pour arriver à un point B (Ketetahi). Il est donc habituel de se rendre à l’arrivée dans un premier temps, puis de prendre une navette qui nous emmène au départ.
Du parking Mangatepopo au South Crater
Les nuages sont bas, mais il ne pleut pas. Le début de la randonnée est très facile, on progresse sur un chemin plat, au milieu de grosses touffes d’herbe que l’on appelle des tussacks (reconnaissables à leur couleur jaune), et des bruyères. Au loin, partiellement caché par les nuages, le Mont Ngauruhoe nous indique que la neige est toujours présente dans les hauteurs, malgré l’arrivée du printemps. Nous voici prévenu.
Arrivé à Soda Springs (la première étape), le paysage est déjà assez déroutant : la végétation est encore présente, mais les collines qui nous entourent sont de plus en plus noires. Un paysage de plus en plus désolé et meurtri par les volcans apparaît au fur et à mesure que l’on avance.
Peu après Soda Springs, l’ascension vers le South Crater commence. Si le temps n’a pas changé, on sent légèrement une concentration plus forte des nuages. Au fur et à mesure que l’on monte, la température baisse, et la visibilité se réduit. La végétation aussi d’ailleurs, qui laisse place à des roches volcaniques.
Des petites gouttelettes s’invitent, tandis que je suis complètement dans les nuages. C’est dommage car on ne peut pas complètement profiter de la vue. Marche après marche (ou plutôt roche après roche), il fait de plus en plus froid.
Et forcément, ce qui devait arriver arriva : la neige et la grêle font leur apparition. Au moins, ça rajoutera du piquant dans cette escapade.
Peu à peu, les roches noires se recouvrent d’un joli manteau blanc, tandis qu’on ne voit plus que des ombres marcher sur le sentier.
Du South Crater au Red Crater
Après avoir marché plus d’une heure en montant sans cesse, le sentier s’ouvre sur une gigantesque étendue plate. C’est assez déroutant car jusqu’ici c’était assez escarpé. Je ne m’en rendrai compte que plus tard, mais on est sur le South Crater ! Pas étonnant que ça soit plat sur des centaines de mètres à la ronde.
Le South Crater est un des nombreux cratères du Tongariro National Park qui se sont formés pendant plus de 275 000 ans. Le South Crater doit sûrement son nom du fait de sa position par rapport au Mont Tongariro, au sud. Dans les faits, le cratère a été creusé par la glace, durant les différentes ères glaciaires (un peu comme les fjords). Ce n’est donc pas un cratère en tant que tel, formé par un impact.
En été, le jaune est la couleur dominante des lieux. Aujourd’hui, le blanc de la neige et le gris des nuages qui nous entourent font la loi. C’est d’ailleurs assez drôle car avec les nuages bas qui rejoignent les extrémités du cratère, on a l’impression d’être enfermé dans un dôme au toit vaporeux.
Une fois au milieu du cratère, on ne voit même plus les extrémités à cause du brouillard.
En traversant le South Crater et en montant ses façades, on peut se rendre compte de sa grandeur. Dommage qu’on ne puisse pas profiter de l’ensemble de la vue, la faute encore une fois aux nuages ! Mais qu’importe, le brouillard donne une atmosphère toute particulière à l’endroit.
En revanche, de l’autre côté, c’est un autre spectacle qui se dessine : la vue donne sur un versant qui offre un joli contraste entre le sol enneigé et celui plus bas, resté marron.
Une nouvelle ascension attend les randonneurs. Elle est plus courte mais est un peu plus raide que les autres, et les conditions ne la rende pas particulièrement agréable. La pente est très exposée au vent, et la neige et la grêle tombent toujours (petite pensée pour la personne en short devant moi). Par ailleurs, il n’y a pas de chemin : le slalom entre les roches s’impose.
Une fois en haut, on est chaleureusement accueilli par un panneau nous annonçant que l’on est dans une zone à risque d’éruption volcanique. En effet, les volcans d’ici sont toujours en activité ! La dernière éruption est d’ailleurs toute récente, puisqu’elle date de 2012.
Mais l’information principale, c’est qu’on est sur le Red Crater, le point culminant de la randonnée (1886 mètres) ! Il tient son nom de la couleur rouge due au fer oxydé présent dans la roche qui recouvre tout le cratère. Sauf qu’aujourd’hui, il devrait plutôt s’appeler le White Crater, vu que la neige est partout !
Par ailleurs, une vue spectaculaire est censée s’offrir aux voyageurs. Pour l’instant, ce sont plutôt des nuages spectaculaires qui s’invitent dans le cadre. C’est sûrement la petite déception de cette journée, car la couleur et le panorama sont les intérêts principaux du Red Crater.
Les Emeralds Lakes et le Blue Lake
C’est en arrivant sur la seconde moitié du parcours, juste après le Red Crater, que je décide de m’arrêter pour manger. Dans le contrebas, les célèbres lacs émeraudes sont censés être là, mais les nuages cachent tout et on ne voit rien. Tant qu’à faire, autant casser la coûte au sommet de la randonnée.
Grand bien m’en a pris, car peu à peu, le voile gris se dissipe, laissant progressivement apparaître le trésor de ce parc national, pendant que je m’enfile ma modeste salade de riz.
C’est un véritable spectacle de voir ces lacs aux couleurs émeraudes sortir progressivement de la brume, comme si le ciel nous récompensait des efforts passés à monter dans le brouillard, la neige et la grêle.
Malgré l’hiver passé, les Emeralds Lakes gardent leur couleur intacte, tandis que le sol aux alentours est tantôt blanc, tantôt marron-jaune.
Ces couleurs si particulières s’expliquent par des minéraux dissous dans l’eau, très acide. Autour des lacs, des gaz s’échappent des fumerolles, laissant une odeur de souffre envahir l’espace.
La descente vers les lacs sur le flanc de montagne est assez drôle, car le sol est composé de roches volcaniques qui glissent sous les pieds. Ceux-ci s’enfoncent donc dans le sol qui parait très mou.
En quittant les Emeralds Lakes, le Central Crater et son désert blanc nous accueille et permet d’accéder au Blue Lake. Plus grand que les autres, sa couleur dépend davantage de l’état du ciel. En l’occurrence, le Blue Lake est plutôt bleu-gris, aujourd’hui.
Par beau temps, l’eau reflète les flancs des volcans aux alentours.
Vers Ketetahi Springs et la fin du treck
La randonnée nous amène par la suite sur le versant de montagne. Après avoir eu du répit, la neige s’invite à nouveau dans la partie. Si le sentier est relativement plat, il faut néanmoins traverser quelques passages enneigés glissants.
Peu à peu, une vue sur les terres en contrebas avec le lac Rotoaira se dévoile, tandis qu’en haut, les indécrottables nuages restent en suspension.
L’arrivée à Ketetahi Springs amorce la longue descente du sentier qui serpente jusqu’au parking de Ketetahi. La zone est très marquée par les éruptions volcaniques : les cratères sont légions et les fumerolles font partie du paysage.
La hutte de Ketetahi au milieu des Ketetahi Springs marque la dernière étape du voyage. Lors de l’éruption de 2012, le toit de la hutte avait été endommagé par des roches volcaniques. Heureusement, personne n’a été blessé.
Après la hutte, la descente vers le parking continue lentement, tandis que l’air se réchauffe progressivement. Un passage dans la forêt fait office de sas entre le paysage si particulier du Tongariro Alpine Crossing et le (presque) retour à la civilisation.
C’est parmi les nombreuses personnes assises et fatiguées de leur journée de marche que l’on réalise que la randonnée est belle et bien terminée. Même si la fatigue est présente, un sentiment de satisfaction émerge à l’intérieur de la tête, conscient de l’effort effectué, et surtout récompensé par un paysage magnifique.
C’est sûrement pour cette raison que le Tongariro Alpine Crossing marque autant les esprits et est régulièrement cité parmi les meilleures randonnées journalières : c’est un autre monde que l’on parcourt pendant quelques heures, où dans un désert volcanique surgit sans crier gare des joyaux naturels que peuvent être des cratères rouges ou des lacs émeraudes. Et en plus, il est accessible au plus grand nombre.
En été, le manteau blanc laisse place à un paysage lunaire saisissant. Une toute autre expérience qui vaut aussi le coup d’être vécu.
Le seul problème, c’est que le Tongariro Alpine Crossing est victime de son succès. Chaque année, de plus en plus de personnes s’y rendent, au point que les capacités des lieux commencent à saturer. C’est devenu habituel de faire la queue et d’attendre son tour pour passer certains passages sinueux : de quoi gâcher l’expérience, ou pire, avoir un impact négatif sur l’environnement du parc national.
Rien que lors de mon passage, au début du printemps, la randonnée était déjà bien fréquentée, alors je n’ose pas imaginer en été.